Voici un extrait du guide méthodologique fournit par la Haute Autorité de Santé sur le sujet de l’écoute active, présentée comme un outil de prévention et gestion des risques.
« … il peut être pertinent, notamment en termes de gestion des risques, de cibler des objectifs pédagogiques concernant l’écoute du patient par le professionnel de santé.
La méthode d’écoute active, concept développé à partir des travaux du psychologue américain Carl Rogers, est utile dans toutes les formations nécessitant une interaction soignant/soigné.
Pour mémo : les chercheurs Beckman et Frankel ont réalisé une étude qui constitue une référence en matière de conduite de consultation.
L’analyse de 74 consultations a montré que seulement 23 % des patients avaient été invités à exposer la totalité des symptômes qu’ils présentaient ou à reformuler les instructions données. Dans tous les autres cas, le médecin les avait interrompus avant (souvent pour gagner du temps). Ces interruptions par le médecin avaient abrégé l’exposé des problèmes et les reformulations, ou avaient orienté le patient dans une idée préconçue et partiellement inexacte.
Dans 8 % des cas, non seulement l’information avait été perdue lors de la consultation initiale, mais également pour les suivantes (le patient retenant qu’il n’était pas invité à parler de ces points) ; ce n’est que lors de la survenue de complications ultérieures que l’information perdue avait été révélée.
De plus, les patients étaient interrompus en moyenne après 18 secondes d’expression initiale des symptômes.
D’autres chercheurs, Marvel et al, ont confirmé ce constat, en retrouvant sur un échantillon de 199 consultations un délai moyen d’écoute de 23 secondes avant redirection par le médecin. Par ailleurs, les patients relancés n’avaient cette fois que 6 secondes en moyenne pour répondre à la demande exprimée par le médecin, avec une déperdition assez forte de contenu.
Pourtant, les médecins surestiment le temps de parole du patient : 1 minute en moyenne dans la réalité sur une consultation de 20 minutes, alors que les médecins interrogés évaluent le temps à 9 minutes. »
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« Que fait le patient quand il n’est pas content ?
Il peut certes porter plainte et « faire payer » au soignant. Mais il le fera d’autant moins qu’il aura eu le sentiment d’être compris par celui-ci et d’avoir pu obtenir toutes les informations disponibles dont il a légitimement besoin pour assumer les événements indésirables qui viennent s’ajouter à ses maladies et souffrances.
Hirschman définit trois types de réactions possibles pour le patient face au mécontentement :
– Il quitte son médecin (exit),
– Il se plaint (voice),
– Il lui reste fidèle en explicitant les raisons de son mécontentement (loyalty)
Le fait d’exprimer une critique est en quelque sorte une chance supplémentaire laissée au médecin soit pour argumenter et convaincre son patient, soit pour prendre acte de la critique.
On pourrait presque dire que le fait d’être critiqué traduit la qualité de la relation que le soignant entretient avec son patient.
Cela prouve que le patient est capable d’exprimer quelque chose de difficile et qu’il estime que le médecin est capable de l’entendre. »
Cette fiche technique* destinée aux soignants en dit long sur notre capacité à écouter pleinement, que ce soit dans le cadre professionnel comme dans nos relations privées.
Bien entendu, les conditions de travail et le rythme soutenu des interventions expliquent pour une bonne part notre difficulté à prendre le temps d’écouter l’autre.
Dans ce cas précis, l’écoute bienveillante et sans jugement est plus que jamais le moyen de mettre des mots sur nos maux.
*https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-02/outil_12_ecoute_active.pdf